III – Biomimétisme



        Nombreuses sont les inspirations de la nature par l’homme dans le but de créer une nouvelle technologie, ou encore de perfectionner la science. C’est ce qu’on appelle le Biomimétisme qui comme son nom l’indique « mime » donc reproduit le « bio » c’est-à-dire la biologie.
     La biotechnologie ou « technologie de bioconversion » résulte d'un mariage entre la science des êtres vivants – la biologie – et un ensemble de techniques nouvelles issues d'autres disciplines telles que la microbiologie, la biophysique, la génétique, la biologie moléculaire et même l'informatique…
     La plupart du temps, on la restreint au domaine du génie génétique et aux technologies issues de la transgénèse permettant en particulier d'intervenir sur le patrimoine génétique des espèces pour le décrypter ou le modifier (voir organismes génétiquement modifiés). Néanmoins, ce que l'on ignore souvent, ce sont les étonnantes inspirations que les êtres vivants, animaux et particulièrement ici, les araignées ont donné aux chercheurs dans des domaines à première vue sans rapport.






1 - L'architecture



Ces différentes infrastructures représentent toutes un aspect géométrique inspiré de la forme que donne l'araignée à sa toile.





     En effet, depuis quelques années, les chercheurs se sont penchés sur cette unique forme géométrique de la nature qui est la toile d'araignée. 
     Comme nous l'avons vu précédemment, la composition du fil de soie lui procure une résistance incomparable, mais le secret de cette dernière tient également sur un autre point ; sa structure.    


Certaines araignées tissent des toiles ressemblant à des draps posés sur des buissons. La toile tient grâce à des fils étirés attachés aux bords du buisson, et reste soutenue, même avec de fortes contraintes par rapport à son poids. Ce système de support de charges permet à l'araignée de tisser sa toile sur une grande distance tout en ne négligeant pas sa résistance. Cette savante technique a été imitée par l'homme pour la construction de nombreuses structures afin de recouvrir de vastes superficies.




Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis ont établi que lors d'un choc, l'architecture de la toile permet d'en sacrifier une zone limitée mais de préserver l'essentiel de la construction.



C'est-à-dire que si la toile est endommagée, seulement une partie devient inutilisable, ce qui n'empêche donc pas le reste de fonctionner. Nous pouvons par exemple citer le cas de l'opéra de Canton en Chine (voir à gauche).





2 – Le textile


On peut voir ci-contre un fil de structure observé au microscope électronique lors d’une expérience, où la soie est enroulée autour d’elle-même et entourée d'un liquide collant.


     La séricine (de formule brute C12H25N5O8) n’est pas à l’origine des qualités textiles de la soie. Elle ne lui donne que sa coloration. Elle enveloppe et soude les filaments de fibroïne constituant le fil et ainsi se trouve vers les parties extérieures du brin. Les propriétés de la soie reposent donc sur la fibroïne (qui est comme la séricine, une protéine). Il en existe deux sortes: la spidroïne 1 et la spidroïne 2.
     Celles-ci se caractérisent principalement par leur différence en prolyne (de formule brute C5H9NO2) et tyrosine (de formule brute C9H11NO3) qui sont deux acides aminés. La fibroïne (ou comme on l'a vu spidroïne) est une molécule complexe composée majoritairement d'une combinaison de 2 acides aminés spécifiques au fil d'araignée : la glycine (44%) et l'alanine (29%).)
     La toile produite par les araignées est beaucoup plus résistante que les fibres naturelles ou synthétiques connues. Mais la soie qu'elles produisent ne peut pas être utilisée directement, comme peut l'être la soie fabriquée par d'autres insectes. Par conséquent, la seule alternative qui existe aujourd'hui est la production artificielle. Si les scientifiques réussissaient à reproduire les processus qui se déroulent à l'intérieur du corps de l'araignée - si l'assemblage des protéines pouvait être réalisé à la perfection et si on pouvait ajouter l'information génétique du matériau de tissage, on pourrait alors industrialiser la production de toile de soie avec toutes ses caractéristiques si spécifiques.
     Il est donc généralement admis que si on parvenait à comprendre dans son intégralité le processus de tissage de la toile d'araignée, on réussirait à améliorer de façon considérable notre fabrication des matériaux et des textiles.

3 – Futures applications

     Si nous parvenons à reproduire ce miracle chimique, nous pourrons élaborer de nombreux matériaux tels que des ceintures de sécurité qui disposent de l'élasticité nécessaire, des sutures chirurgicales résistantes qui ne laissent pas de cicatrices, des vêtements pare-balles. En outre, cette production ne nécessite pas l'utilisation de substances nocives ou dangereuses.
     La soie d'araignée possède des caractéristiques absolument remarquables. Grâce à ce pouvoir de résistance face à la tension, il faut dix fois plus d'énergie pour rompre une toile d’araignée que tout autre matériau biologique similaire.
     Afin d'attraper leurs proies, les araignées construisent des toiles d’une qualité exceptionnelle capable d’arrêter une mouche en plein vol en absorbant son énergie. Le câble tendu utilisé par les avions de transport pour stopper les jets lors de leur atterrissage ressemble au système utilisé par les araignées. Ces câbles qui fonctionnent exactement de la même manière arrêtent un jet qui pèse plusieurs tonnes et qui se déplace à 250 km/h en absorbant son énergie cinétique.
     Il faut beaucoup plus d'énergie pour rompre un morceau de soie d'araignée que pour briser une toile de nylon. La principale raison pour laquelle les araignées sont capables de produire une soie si résistante est due au fait que celles-ci réussissent à ajouter des composants de façon homogène en contrôlant la cristallisation et l'assemblage des éléments de base de la protéine.
     Vu que le système de tissage est composé de cristal liquide, les araignées ne dépensent que très peu d'énergie pour fabriquer la soie.
     Les chercheurs entreprennent actuellement de vastes études sur les méthodes de fabrication de la soie par les araignées. Le docteur Frits Vollrath, un zoologiste de l'Université d'Aarhus au Danemark, a étudié l'araignée de jardin Araneus disematus et a réussi à découvrir en grande partie son mode de fabrication de la soie. Il a découvert que les araignées de jardin durcissent leur soie en l'acidifiant. Il examina plus précisément le conduit à travers lequel la soie passe avant d'être extraite du corps de l'araignée. Avant de pénétrer dans le conduit, la soie est constituée de protéines liquides. Dans le conduit, des cellules spécifiques semblent retirer l'eau de ces protéines de soie. Les atomes d'hydrogène ainsi retirés sont redirigés vers une autre partie du conduit, créant ainsi un bain d'acide. Tandis que les protéines de soie entrent en contact avec l'acide, elles s'assemblent et forment des ponts entre elles, durcissant ainsi la soie, qui est "plus résistante et plus élastique que le kevlar… La fibre la plus solide produite par l'homme", comme le précise Vollrath.
      Et pourtant du point de vue résistance, le kevlar est beaucoup plus fragile que la soie d'araignée.
     Le kevlar est un matériau renforcé utilisé dans la fabrication des gilets pare-balles et des pneus, il est réalisé grâce à une technologie très avancée, c’est l'élément synthétique le plus résistant. L'énergie requise pour un tel processus est considérable, et les produits nécessaires excessivement toxiques (très haute température en utilisant des matériaux dérivés du pétrole et des acides sulfuriques). Tout en étant particulièrement résistante, la soie d'araignée peut être transformée et réutilisée par l'araignée. En effet, l'araignée peut la recycler pour produire une nouvelle toile en consommant sa toile endommagée, donc en aucun cas elle n’est nocive ou polluante.
     Les mécanismes naturels de production de la soie sont plus performants que n'importe quelle machine. Les araignées produisent des soies aux caractéristiques distinctes pour des utilisations différentes, comme nous l’avons vu précédemment. Cependant, la taille gigantesque de ces machines ne peut être comparée avec les quelques millimètres cubes des organes producteurs de soie de l'araignée. Rappelons que cette toile étudiée conjointement par les scientifiques est produite de manière parfaite par l'araignée depuis plus de 380 millions d'années !